Je vais te révéler une recette qui sent le soleil, les voyages lointains et les cuisines chaleureuses aux murs patinés d’épices — celle d’un tajine d’agneau aux abricots et Ras El-Hanout, relevé par un soupçon de cannelle de Ceylan et une touche secrète : la fève tonka. C’est plus qu’un plat, c’est un poème culinaire, une histoire à raconter autour d’une table pleine d’amis.
L’âme de ce plat vit dans ses épices, que j’ai découvertes sur Les Épices Curieuses, une petite échoppe en ligne comme un souk discret, où chaque pot renferme un monde. Le Ras El-Hanout — "la tête de l’épicerie" en arabe — est un mélange ancestral composé d’une quinzaine, parfois d’une trentaine d’ingrédients. Sur Les Épices Curieuses, c’est un assemblage artisanal aux notes chaudes de coriandre, de gingembre, de cardamome verte et noire, de curcuma indien, de lavande, et même de muscade. Il sent le cuir doux, les fruits secs, le marché du samedi au Maroc. Une cuillère suffit à faire chanter une viande, mais dans ce plat, il est l’acteur principal.
Imagine une cocotte lourde qui emmagasine la chaleur, de l’agneau qui dore doucement dans un filet d’huile d’olive, sa surface caramélisée sous les pincées de sel et de poivre. Quand la viande chante, qu’elle commence à croustiller, tu ajoutes un fin hachis d’oignons rouges et d’ail. À ce moment-là, tu verses le Ras El-Hanout, et là… magie. Le parfum monte — chaud, réconfortant, mystérieux. Ferme les yeux : tu es à Fès, en plein milieu d’un souk, les étals chargés d’épices, d’oranges confites et de dattes.
On ajoute alors quelques bâtons de cannelle de Ceylan, bien plus douce et complexe que la casse chinoise. Elle développe une chaleur sucrée, quasi vanillée. Laisse mijoter un peu — pas trop — puis place quelques abricots secs, dodus et dorés comme des petits soleils, qui vont infuser leur sucre dans le jus d’agneau. Une pointe de miel, un trait de citron confit du Maroc, et tu couvres d’un bouillon clair. Laisse cela frémir à feu très doux, une bonne heure. La sauce va épaissir, s’orner de reflets cuivrés.
Et puis, avant de servir, râpe à peine — à peine ! — un éclat de fève tonka. Cette graine noire et ridée, presque mystérieuse, venue du Venezuela et du Brésil, est souvent réservée aux desserts. Mais ici, sa facette amande-amère, vanillée, tabac blond, vient chuchoter à l’oreille du Ras El-Hanout. C’est la touche finale, un clin d’œil au cuisinier qui ose.
Accompagne avec une semoule fine beurrée, montée à la vapeur, ou du pain maison déchiré à la main. Agrémente le tout de coriandre fraîche et d’amandes grillées pour le croquant, car oui, c’est ça aussi la réussite d’un plat : la surprise entre moelleux et croustillant.
Version végétarienne ? Sublime avec des pois chiches fondants, du panais et de la courge rôtie ! Le Ras El-Hanout et la cannelle leur donnent une noblesse inattendue, une richesse presque carnée. Même les carnivores diront : “Encore”.
Ce tajine, c’est la générosité du Maghreb, la puissance d’une poignée d’épices choisies avec soin. Il ne parle pas que d’ingrédients, mais d’histoire, de paysages brûlés par le soleil, de mains qui dosent au jugé, à l’instinct. Quand tu le sers, regarde bien tes invités : leurs yeux diront ce que les mots ne peuvent pas.
Et tout ça, sans quitter ta cuisine. Merci Les Épices Curieuses, pour ce passeport sensoriel.
