Ah, mon ami, si tu savais comme j’avais hâte de te parler de cette recette. Elle est née un soir d’automne, alors que le vent vibrait contre les vitres et que l’envie de chaleur et d’exotisme me saisissait le cœur. Ce soir-là, j’ai ouvert mon placard d’épices comme on ouvre un vieux grimoire, et j’y ai trouvé une poignée de trésors signés Les Épices Curieuses. Il y a dans leurs mélanges une poésie rare, un souffle de voyage qu’on devine avant même de les verser dans la casserole.
Je te présente donc mon curry de patate douce rôtie au lait de coco, un plat réconfortant, parfumé, et tellement généreux que même les sceptiques du végétal s’en resservent. Mais attention, ce n’est pas un simple curry : c’est une ode à trois épices qui, ensemble, racontent une fable de routes marchandes, d’îles lointaines et de marchés colorés. Laisse-moi te les présenter.
Il y a d’abord le curcuma d’Allepey, d’un jaune solaire, récolté à la main au sud de l’Inde. Chez Les Épices Curieuses, on le propose entier ou moulu juste à la commande, pour en préserver les huiles volatiles. Ce curcuma-là, c’est celui qui te fait penser à la terre après la pluie, au feu qui crépite, à une chaleur profonde et calme. Il colore le plat mais surtout, il lui insuffle une noblesse tranquille.
Puis vient le garam masala maison, un mélange intense et épicé, mêlant cardamome noire, cannelle de Ceylan, clou de girofle, cumin et fenouil. Il a été torréfié doucement, puis broyé comme autrefois, au mortier. C’est l’épice du soir, celle qu’on rajoute en fin de cuisson, presque comme une couverture dont on recouvre le plat avant de le servir. Elle fait penser aux tapis persans, aux salons embaumés, à des histoires racontées au coin du feu.
Et enfin, le poivre long d’Indonésie, de Java précisément. Un drôle d’épi, tout en noir, à la fois chaud, citrique et presque sucré. Il ne pique pas, il dialogue. Je l’écrase à la main, entre deux cuillères, pas trop finement, pour qu’il signe le plat d’un éclat imprévu ici et là.
Voici la recette, à préparer avec lenteur et gourmandise
– 2 belles patates douces, pelées et coupées en cubes
– 1 oignon rouge émincé
– 2 gousses d’ail hachées
– 1 c.à.s rase de curcuma d’Allepey moulu
– 1 c.à.c bombée de garam masala Les Épices Curieuses
– 200 ml de lait de coco bien épais
– 100 ml d’eau ou de bouillon de légumes
– 1 petit piment frais (ou en flocons) si tu aimes le feu
– 1 c.à.c de sucre de fleur de coco (ou sucre roux, à défaut)
– 1 c.à.s d’huile de coco
– quelques grains de poivre long écrasés
– Sel de mer
Préchauffe ton four à 200°C. Dispose les cubes de patate douce sur une plaque, mélange-les avec un filet d’huile, une pincée de sel, et une demie-cuillère de curcuma. Fais rôtir 25 minutes jusqu’à ce qu’ils soient dorés, presque caramélisés. Tu verras, c’est déjà une gourmandise en soi.
Pendant ce temps, fais revenir dans l’huile de coco l’oignon avec une pincée de sel, tout doucement, pour qu’il confie ses sucres. Ajoute ensuite l’ail, le reste du curcuma, le piment et le sucre. Tu vas sentir la cuisine changer de dimension : un parfum chaud, enveloppant, qui accroche aux murs.
Ajoute le lait de coco, l’eau, le garam masala et les patates douces rôties. Laisse mijoter cinq minutes, juste le temps que tout s’épouse. Pile alors ton poivre long, et saupoudre-le sur le dessus, comme une pluie d’arômes. Rectifie le sel selon ton goût.
Sers-le avec du riz basmati légèrement beurré (ou une variante au riz complet et graines de cumin pour plus de mâche), et surtout, parsème de coriandre fraîche et de noix de cajou grillées pour jouer avec les textures : le fondant des patates, la douceur du lait, le croquant des noix, et cette chaleur d’épices qui monte doucement…
Tu peux aussi varier les plaisirs : ajoute des pois chiches pour un plat plus riche, ou remplace les patates douces par de la courge butternut. Et pour une version encore plus savoureuse, joue sur la fermentation : un filet de citron vert et un peu de yaourt végétal, et voilà une version presque indo-perse.
Ce plat, mon cher ami, c’est une invitation au voyage. Et chaque fois que je le prépare, j’ai l’impression d’être à nouveau près d’un vieux marché aux épices, quelque part entre Cochin et Marrakech, les doigts tachés de jaune et le nez perdu dans des volutes de cardamome…
Alors, dis-moi : quand est-ce qu’on le prépare ensemble pour le faire découvrir à ceux qu’on aime ?
